Chapitre 31
Storytelling et l’encodage du genre
L’illustration du genre
Le genre n’est que légèrement influencé par le Storyform (c’est-à-dire la structure dans le vocabulaire de Dramatica). Seuls les quatre domaines permettent d’apprécier ce que sera le genre (voir le chapitre 13 sur les descriptions de domaines).
Une fois que ces quatre domaines ont été encodés (c’est-à-dire illustrés par des images, des scènes, des événements, des situations, des dialogues… mais pas encore racontés, pas encore assemblés pour donner du sens), ce qui se nomme genre consiste en des préférences narratives.
Le genre ne surgit pas tout fait dès les premiers mots. Il commence comme quelque chose d’assez général (qui fonctionnerait quelque soit le genre, qu’il soit aussi spécifique que l’horreur ou plutôt grand public comme la comédie romantique).
Graduellement, néanmoins, il évoluera en quelque chose de plus précis (au niveau du ressenti et de son ton) jusqu’à ce qu’il devienne et soit reconnu comme un genre spécifique représenté seulement dans l’histoire en train d’être racontée.
Gardons en mémoire cependant que de vouloir être si unique dès le départ fera certainement fuir le lecteur.
Inversement, ne pas réussir à développer suffisamment de détails liés à un genre spécifique au cours de l’histoire ne sera pas si apprécié que cela par le lecteur.
L’approche la plus sûre est encore de commencer par la même nature que l’on trouve dans des centaines d’autres histoires et puis lentement concevoir un nouveau monde, un cadre narratif singulier. Cela procurera au lecteur une expérience unique (il n’aura pas ainsi le sentiment du déjà-vu).
Le format
Structure (ou Storyform chez Dramatica) et narration (ou Storytelling) sont certes importants dans la réception d’une histoire par le lecteur, mais ils ne sont pas les seuls.
Dans la pratique, une histoire ne peut être transmise d’un auteur à son lecteur autrement que par un média.
Ce support sur lequel est présenté une histoire limite techniquement l’expression de l’auteur mais il lui fournit aussi des moyens d’expression qui lui sont propres.
Les films par exemple n’ont pas la capacité à transmettre des odeurs, des goûts. Ils ne permettent pas non plus le toucher alors que le théâtre permet ces expériences. Avec le roman, le lecteur peut se rendre à la page qu’il veut si tel est son désir. Il peut lire les chapitres dans le désordre si l’envie lui prend. Cela n’est pas possible avec le film.
Dans de nombreux média, les histoires sont conçues pour être restituées directement au lecteur. D’autres histoires cependant sont destinées à l’usage des acteurs et c’est par eux que l’histoire sera communiquée. C’est par l’acteur que nous ferons l’expérience de l’histoire.
L’oralité aussi est un moyen d’expression. En fait, il y a autant de média que de moyens de transmettre une information.
Le format aussi entre en jeu. Prenons la télévision. On y distingue la fiction unitaire ou les séries. Parmi celles-ci, il y a aussi de grandes différences. Chacun de ces formats offre des opportunités dramatiques et des contraintes.
En explorant les exigences et les avantages que les média et leurs différents formats procurent, un auteur doit pouvoir tirer le meilleur dans son processus de communication par l’illustration (c’est-à-dire ce que Dramatica nomme l’encoding).
Chapitre 32
L’art du récit
Troisième étape : le Storyweaving
Introduction au Storyweaving
Le Storyweaving désigne l’opération de déploiement de la structure dramatique d’une histoire dans la durée. Il y a cette idée de tissage des éléments dramatiques dont le résultat est perceptible dans la durée.
Pour Dramatica, il y a 4 étapes dans le processus de communication entre un auteur et son auditoire (lecteur, spectateur, simple témoin…).
- Storyforming qui consiste à structurer le message.
- Storyencoding qui illustrera ce message par l’usage de métaphores par exemple ou encore de paraboles (il existe d’autres figures). Le Storyencoding est nécessaire parce que le message est une matière trop abstraite pour être délivrée tel quelle sans risquer l’erreur d’interprétation.
- Une troisième étape est le Storyweaving que l’on peut considérer comme un assemblage.
- La quatrième étape est la réception par le lecteur (simplement Story Reception dans le vocabulaire de Dramatica).
Storyforming établit la structure dramatique sous-jacente de l’histoire. Ce n’est pas un processus. Ce serait plutôt un modèle qui permet de raconter une histoire.
Le Storyencoding permettra à la théorie de passer à la pratique. C’est une représentation en événements, en dialogues des aspects théoriques d’une histoire (c’est-à-dire précisément tout ce que nous étudions au cours de mes articles sur la théorie narrative Dramatica).
Storyweaving déterminera comment les illustrations (les représentations des aspects théoriques ou Storyencoding) seront présentées au lecteur. Le Storyweaving concerne la distribution de l’information. Il s’agit de déployer ou de révéler cette information.
Avec la Story Reception, nous adapterons l’histoire pour l’adresser spécifiquement à un public particulier. Car on ne s’adresse pas de la même façon à tous les individus.
Exposition & Expression
Le Storyweaving présente deux aspects : l’exposition et l’expression. L’exposition détermine comment l’information sera distribuée au lecteur. L’expression met en œuvre l’exposition avec des mots spécifiques, des événements décrits, des dialogues, des visuels, de la musique…
Lorsqu’un auteur en est à l’étape du Storyweaving, il sera préférable qu’il ait une idée assez nette de quoi parle son histoire. Il ne devrait plus vraiment être dans une phase de recherche parce que cela impliquerait qu’il essaie de donner de la cohérence à sa présentation alors qu’il est encore en train de s’interroger sur ce qui doit être en fait présenté.
L’exposition permet d’expliquer les différents points théoriques de l’histoire (la documentation de Dramatica parle de Story Points, c’est-à-dire tout ce que nous avons étudié dans cette série d’articles sur Dramatica).
Les Story Points et toute l’information indispensable doivent être communiqués au lecteur. Cela implique aussi la progression des événements qui doivent se produire dans un certain ordre afin que l’histoire fasse sens.
Un plan est mis en place afin de révéler cette information. Ainsi, certains Story Points seront présentés directement au lecteur (dans leur totalité et ne réapparaîtront plus au cours de l’histoire). D’autres seront morcelés dans la durée de l’histoire. D’autres encore resteront cachés et certains seront conçus pour tromper le lecteur pour mieux exposer le nœud du problème.
L’expression est ce qu’il y a de plus créatif chez un auteur. C’est l’invention des chapitres et des dialogues.
Des quatre étapes de la communication, le Storyweaving est le processus d’écriture proprement dit. C’est dans le Storyweaving que nous rassemblons tout ce que nous savons à propos de notre histoire et que nous décidons de la manière de le présenter à notre lecteur.
Certains auteurs se sentent obligés de planifier toutes choses avant d’écrire le premier mot. Dans ce cas, le processus du Storyweaving consiste à déterminer la meilleure manière de raconter son histoire. Et c’est une histoire qui est déjà toute formée dans l’esprit.
D’autres auteurs sont moins calculateurs (aucun sens péjoratif). Ils préfèrent foncer tête première dans le processus d’écriture et découvrir ou plutôt laisser leur histoire encore en gestation se révéler elle-même.
De nombreux auteurs, néanmoins, se situent dans cet entre-deux. Ils planifient certains moments de leur histoire de manière plus ou moins détaillée et s’interrompent brutalement dans l’écriture avec l’intention peut-être illusoire que l’inspiration leur permettra de combler les manques, de débloquer leur créativité.
Il n’existe pas de méthode préférable. Écrire doit être une expérience positive, non une corvée. Si vous vous sentez bloqué, alors envisagez de reprendre la planification (ou l’architecture) de votre histoire si votre exploration spontanée ne vous mène nulle part.
Et si planifier vous embrouille l’esprit, mettez-le de côté et écrivez quelques scènes (même si vous décidez de ne pas les conserver car ce sera un moyen de relancer la machine). Le mieux, c’est de combiner les deux approches.
Bien sûr, l’humeur peut changer du tout au tout du jour au lendemain. Certains jours peuvent vous inciter à travailler davantage sur la structure. Et à d’autres moments, l’auteur plonge dans l’écriture.
Et puis, cela dépend aussi du sujet que l’on traite ou bien encore du format ou du média sur lesquels on communiquera.
Écrire n’est pas une science mais un art. Et comme dans tous les domaines, la science peut aider à perfectionner son art. Elle permet à l’artisan de mieux se servir des outils à sa disposition, voire à créer ses propres outils ou à les améliorer.
Tout cela permet de rendre plus agréable l’expression artistique et rendre le produit fini plus conforme à l’intention initiale de l’auteur. Dramatica peut grandement aider en ce sens.
Storyforming et Storyencoding, les concepts développés par Dramatica, décrivent tout ce qui est nécessaire pour construire un argument complet. Cet argument est au cœur du récit. Sans un argument à présenter, il n’y a rien à raconter. C’est le néant.
Les deux premières étapes de la communication (Storyforming et Storyencoding) mettent en place la structure et les différentes représentations qui lui donneront de la vie.
Cette vie, cependant, ne peut s’animer que si les représentations se lient ensemble afin de donner du sens en regard d’un certain interlocuteur. Cette fonction est accomplie par le Storyweaving et la Story Reception à travers des techniques qui créent des résultats.
Nous verrons ces techniques dans les prochains articles. Dans ce domaine singulier de la narration, vous pourrez vous servir de ces outils dramatiques proposés par Dramatica pour façonner l’histoire que vous avez en tête de façon à ce qu’elle vous apporte la satisfaction créative la plus accomplie.
Vous pourriez être intéressé par cette série d’articles :
ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX
Et si vous voulez m’aider,
c’est bien humblement que je mendie quelques euros