Dramatica est une théorie narrative développée par Melanie Anne Philips et Chris Huntley.
Nous allons tenter dans la série d’articles que nous entamons maintenant d’apporter certaines lumières sur cette théorie et pratique d’écriture à partir de la traduction de DRAMATICA : A NEW THEORY OF STORY écrit par Philips et Huntley.
Pour suivre l’ensemble des articles que nous allons consacrer à la théorie, nous avons spécialement créé cette page DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE afin que vous puissiez vous référer plus facilement à l’ordre logique que nous allons établir.
DRAMATICA
Une partie de ce qui fait une histoire réussie est la structure dramatique sous-jacente et une autre partie est la manière selon laquelle cette structure est relative aux lecteurs (Storytelling ou l’art de conter).
Par conséquent, Dramatica : A New Theory of Story est divisé en deux parties principales :
– Les éléments de structure
– L’art de conter (le Storytelling)
Dans Les éléments de structure, vous explorerez les composants essentiels qui interviennent dans toute histoire complète (cohérente) et qui apparaissent au-travers des personnages, du thème, de l’intrigue et du genre.
Retenez bien la notion d’histoire complète ou achevée. Une histoire est un tout et est différente des parties qui la composent. Les éléments qui composent un récit sont autonomes mais lorsqu’ils s’assemblent, lorsqu’ils fusionnent, ils deviennent un tout (comme si chaque élément se détruit dans la totalité).
Pour Dramatica, ces parties que nous étudierons dans cette série d’articles sont les personnages, le thème, l’intrigue et le genre.
Dans l’Art de conter (ou Storytelling), vous examinerez les quatre niveaux de communication qui ont lieu entre un auteur et son lecteur :
- Storyforming,
- Storyencoding,
- Storyweaving,
- Reception.
De même, ne vous préoccupez pas pour le moment de ces concepts, nous y reviendrons en temps voulu.
Après la lecture de Dramatica : A New Theory of Story, vous aurez acquis une compréhension totalement nouvelle de ce que sont les histoires et un jeu d’outils entièrement nouveaux pour les créer.
Vous noterez que la majorité des exemples fournis dans le livre sont tirés de films. Cela provient de l’engagement personnel des auteurs dans l’industrie du cinéma.
Dramatica, cependant, est une théorie de l’écriture de fictions, non une théorie de l’écriture de scénarios. Tous les concepts dramatiques présentés ici s’appliquent tout aussi bien à tous moyens d’expression d’une histoire.
CHAPITRE 1
DRAMATICA ET L’AUTEUR CRÉATIF
Pour commencer
Maîtriser l’art de l’écriture exige une faculté à communiquer et d’avoir un certain style. Par la communication, le lecteur reçoit de la signification. Par le style, un auteur atteint son lecteur (un style confus sera difficile à lire par exemple).
La théorie narrative Dramatica explore ces deux aspects du processus d’écriture en fournissant des guides structurels pour clarifier la communication et des techniques artistiques pour améliorer le style.
En conséquence, ce livre est divisé en deux parties principales : Les éléments de structure et l’Art de conter. Séparer ces deux aspects du travail d’écriture nous permet de voir plus profondément dans chacun d’entre eux.
Cette disposition sépare aussi l’expérience de l’écriture en deux parties, bien qu’en pratique, elles sont habituellement fusionnées en un effort simultané.
De nombreux autres livres ont été écrits qui explorent le processus mixte de la création. Par contraste, Dramatica est une théorie et est conçue davantage pour éduquer plutôt que d’inspirer.
Pourtant, la motivation à écrire est bel et bien de l’inspiration. Donc, avant de foncer tête baissée dans une explication détaillée, précise et révolutionnaire (selon les auteurs de Dramatica) des histoires, mettons tout en contexte en décrivant la relation de Dramatica avec l’auteur créatif.
Communication
Le processus de communication exige au moins deux parties : le locuteur et le récipiendaire. De plus, pour que la communication ait lieu, le locuteur doit être conscient de l’information ou des sentiments qu’il souhaite transmettre et le récipiendaire doit être capable d’interpréter ce signifié.
De même, l’art de conter nécessite un auteur et des lecteurs. Et pour raconter une histoire, on doit avoir une histoire à raconter. Seulement lorsque l’auteur est conscient du message qu’il souhaite partager, peut-il savoir comment formuler ce message pour qu’il soit précisément reçu.
Il doit être noté qu’un lecteur est plus qu’un participant passif dans le processus de réception d’une histoire qu’on lui conte. Lorsque nous écrivons : C’était une nuit sombre et orageuse, nous avons communiqué un message, bien qu’un peu nébuleux. En plus des mots, une autre force est à l’œuvre qui crée du sens dans l’esprit du lecteur.
Le lecteur lui-même peut avoir évoqué des souvenirs de l’odeur de la pluie fraîche sur de la paille sèche, la peur ressentie devant la fulgurance aveuglante des éclairs ou un sentiment de contentement que remémore la douceur d’un tapis moelleux face au feu rageur d’une cheminée.
Mais tout ce que nous avons écrit était : C’était une nuit sombre et orageuse. Nous n’avons rien mentionné dans cette phrase sur des souvenirs de paille, d’éclairs ou de cheminée. En fait, dès que l’atmosphère est établie, moins il en est dit, plus les lecteurs peuvent imaginer (notre imagination est une faculté et son outil est l’imaginaire).
Est-ce que les lecteurs ont imaginé ce que nous, les auteurs, avions à l’esprit ? Probablement non. Avons-nous communiqué ? Peu. Nous avons communiqué l’idée d’une nuit sombre et orageuse.
Les lecteurs, cependant, ont fait un gros travail de création par eux-mêmes. Avons-nous raconté une histoire ? Absolument pas !
Grand Argument Story
Comme nous l’avons précisé, une histoire doit être considérée comme un tout. Cette totalité souhaitée se retrouve dans le terme Grand.
Par ailleurs, une histoire dramatique prend son essence dans le conflit. Sans conflit, il n’y a pas d’histoire. La notion d’Argument que met en avant Dramatica se réfère au débat qui, par nature, s’appuie sur le conflit pour s’exprimer. C’est un concept repris aussi par John Truby.
Une question est soulevée : est-ce que raconter une fiction est meilleur que de raconter une non fiction ? Non.
Les histoires ne sont pas meilleures que n’importe quelle autre forme de communication. Elles sont juste différentes.
Pour voir cette différence, nous devons définir le mot histoire afin de pouvoir dire ce qu’est une histoire et ce qu’elle n’est pas. Ici se crée un autre problème. Quel que soit comment l’on définit une histoire, il y aura toujours un auteur quelque part qui trouvera que ce qu’il fait est exclu de la définition et ressentira quelque peu que son travail a été diminué de ne pas avoir été classé en tant qu’histoire.
Plutôt que de prendre le risque de subir l’ire de nombreux auteurs créatifs, Dramatica a limité sa propre définition du mot histoire à un type très spécial d’histoires : le Grand Argument Story.
Comme son nom l’indique, un Grand Argument Story présente un Argument. Pour être Grand, l’Argument doit être complet couvrant toutes les manières qu’un esprit humain doit aborder un problème et montrant que seulement une approche est appropriée à le résoudre.
Manifestement, cela limite considérablement de nombreux travaux importants, artistiques, créatifs, mais ne dénature pas le fait qu’ils sont des histoires, juste qu’ils ne sont pas des Grand Argument Story.
Donc, est-ce qu’un Grand Argument Story est meilleur que d’autres types ? Non. C’est juste un type particulier d’histoires.
Que trouve-t-on dans un Grand Argument Story ?
Un Grand Argument Story est une histoire conceptuellement complète avec une exhaustivité à la fois émotionnelle et logique. il existe un certain nombre de qualités qui déterminent si une histoire est Grand Argument ou non. On retrouve ces qualités dans la structure de l’histoire, ses dynamiques, ses personnages, son thème, son intrigue et son genre.
La structure
Les relations subjacentes entre les parties de l’histoire décrivent sa structure. Un Grand Argument Story a une structure très particulière qui sera soigneusement explorée dans la première partie de la théorie Les éléments de structure.
Les dynamiques
Les parties mobiles, qui évoluent ou qui changent au cours de l’histoire décrivent ses dynamiques. Un Grand Argument Story possède 8 dynamiques essentielles qui seront étudiées dans la seconde partie de la théorie L’art de conter.
Les personnages
Un Grand Argument Story expose deux types de personnages : des personnages objectifs et des personnages subjectifs. Ces personnages permettent aux lecteurs de faire l’expérience de l’histoire à la fois sous un angle passionné et intellectuel (à la fois un regard froid sur les événements et un ressenti émotionnel par ces événements).
Le thème
Le thème, dans un Grand Argument Story, est lié aux éléments structurels et dynamiques. Le thème fournit les différents parti-pris et perspectives nécessaires pour communiquer sur le sujet de l’histoire ou sa signification.
L’intrigue
L’intrigue dans un Grand Argument Story est la séquence (un ordre qui n’est pas nécessairement chronologique : passé, présent et futur se mêlent dans une intrigue) selon laquelle la structure thématique de l’histoire est explorée. L’intrigue détaille l’ordre dans lequel les éléments dramatiques doivent survenir à l’intérieur de l’histoire.
Le genre
Le genre catégorise l’expérience de l’histoire par le lecteur d’une manière globale. Le genre prend en compte les éléments structurels, les dynamiques, les personnages, l’intrigue et le thème pour définir des différences significatives entre les nombreux Grand Argument Story.
Ces parties d’un Grand Argument Story se combinent en relations complexes pour créer le Storyform. Un Storyform est comme un modèle qui décrit comment ces parties s’associent dans une histoire particulière, indépendamment de la signification symbolique (symbolique parce qu’on interprète selon des représentations) que ces parties peuvent avoir pour les lecteurs.
C’est un tel Storyform qui permet des histoires différentes comme West Side Story ou Roméo et Juliette ou encore Cyrano de Bergerac ou Roxanne (de Steve Martin) qui partagent la même signification tout en ayant que peu de similarités entre elles.
Ce que ces histoires (telles que West Side Story ou Roméo et Juliette) partagent est virtuellement le même Storyform.
Sommaire : DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE
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