Plus que les rebondissements, plus que l’action, aussi excitante soit-elle, le lecteur se souviendra toujours du personnage pris dans le tourbillon de l’histoire.
Qui est le héros ? Qui est le méchant de l’histoire ? Qui tombe amoureux de qui ? Quel est le personnage le plus inoubliable ?
Tenter de comprendre de quoi parle l’histoire est inutile si on ne commence pas par comprendre à propos de qui elle parle.
La différence entre l’histoire et l’intrigue est que l’intrigue est à propos de ce qui se passe dans l’histoire. C’est le Quoi.
L’histoire quant à elle raconte ce que le Quoi fait à un personnage auquel il arrive ce qui se passe dans l’intrigue. C’est le Qui.
Le Qui est le plus important. Le Quoi n’est pas grand chose sans le Qui. En même temps, le Qui ne signifierait pas grand chose non plus sans le Quoi. Mais il doit avoir la priorité dans le travail d’écriture.
Une charge émotionnelle
La charge émotionnelle est fournie par l’histoire alors que l’action distillée dans l’intrigue est le mouvement interne, l’élan qui permet à l’histoire de se dérouler entre l’acte Un et l’acte Trois. Elle est l’énergie qui fait aller d’un point A à un point B.
Lorsque l’émotion prend les rênes de l’histoire, elle est illustrée par le comportement du personnage. Ce comportement peut être capable de déclencher une bagarre ou de manière plus subtile, consister en un regard aguicheur.
Ce comportement ou cette attitude viennent en réaction à un événement inattendu. Il s’agit effectivement d’une réaction émotionnelle et elle peut amener des résultats inattendus et en particulier, des révélations non maîtrisées par le personnage lui-même.
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EMOTIONS & PERSONNAGE
La vérité du personnage
La surprise liée à une situation entraîne dans son sillage des vérités que votre personnage principal n’avait pas même conscience. Ces vérités cachées sont l’essentiel du mystère de votre personnage. Les vérités de votre héros sont profondément enfouies et refoulées.
Lorsqu’elles sont découvertes et explorées à travers l’arc dramatique du personnage, les raisons de cet enfouissement fournissent à l’histoire du sens.
Lorsque les heurs et malheurs de l’intrigue mènent à la révélation de telles vérités sur votre personnage principal, il devient plus fort. Cette énergie nouvelle le fait aller de l’avant et le prépare finalement à la victoire contre son antagoniste qui pourrait être lui-même.
La victoire prend place dans le climax. Cette ultime confrontation est comme une illumination, le symbole d’une prise de conscience des changements qui se sont opérés en lui.
Il s’agit de la résolution où le personnage reprend sa place dans le monde, retrouve un équilibre perdu mais avec un regard neuf et plus vrai.
L’histoire est une recherche de la vérité. L’intrigue est le chemin que l’on prend pour trouver cette vérité.
Elle propulse donc l’histoire vers sa conclusion logique.
L’intrigue est événement
Le protagoniste ne maîtrise pas les événements qui se produisent dans l’intrigue. Ils lui sont externes. Ce peut être un acte du destin ou de Dieu, il n’a aucun contrôle.
Une catastrophe naturelle peut être à l’origine de la mort d’un proche ou bien un accident de la route causé par un chauffard. Ce peut être une pandémie ou une crise cardiaque. Ce peut être une séparation, un avortement ou la perte de son travail.
Le personnage subit ces événements. Par contre, sa réaction face à ce qui lui arrive malgré lui est de première importance.
C’est l’intrigue qui s’impose le plus clairement au lecteur, bien avant l’histoire. Pourtant les graines de celle-ci sont bien là et en tant qu’auteur, vous devez en ensemencer ce terrain fertile qui deviendra votre histoire.
Que sont ces graines de votre histoire ?
Toutes les expériences que nous avons vécues dans notre vie, tout ce que nous avons fait, ont laissé plus qu’une trace mnésique en nous mais ont contribué à faire ce que nous sommes.
Nous devenons cette accumulation de petits et grands événements, des événements à la douleur insoutenable comme ceux des plus grandes joies et moments d’élévation personnelle.
C’est la complexité de nos personnalités qui nous rend si riches. Plus nous nous ouvrons aux expériences, plus nous apprenons d’elles et par elles, et plus riche sera notre personnalité, jusqu’à prendre conscience de notre véritable nature.
Ce moi véritable est la combinaison d’une union profonde et significative entre l’intellect et l’émotion. C’est de spiritualité dont il est question maintenant, de notre nature émotionnelle qui nous rend unique, qui fait que les graines de notre histoire seront différentes des autres.
Votre protagoniste et votre antagoniste sont aussi des êtres fictifs complexes que vous devez exploiter pour créer une histoire riche aux émotions bigarrées.
Considérons l’intrigue d’une séparation
Une femme vient de connaître une énième séparation. Vous avez envie de travailler cette idée mais que vous faut-il découvrir ?
Vous pourriez aboutir à un motif qui se répète dans la vie de cette femme sur ses relations amoureuses. Peut-être lutte-t-elle contre la peur de l’abandon qui devient si prégnant dans sa relation qu’elle épuise le partenaire qui finit par s’en aller ?
Ses amis ont peut-être pressenti cette séparation. Mais pourquoi cette femme n’a-t-elle pas pu ou voulu voir ce qui se passait dans son couple ?
Ce déni proviendrait-il de la désespérance profonde que rien de bon ne peut être tiré d’une relation amoureuse ? Ne se sent-elle pas digne de son amant ? Et même si elle recommençait ailleurs, qu’est-ce qui prouve que cela serait différent ?
Les réponses à ces questions sont votre histoire. Ce n’est pas une chronologie d’événements qui seront contés mais un ensemble de contradictions émotives.
C’est la découverte de ces contradictions et leurs prises de conscience (les conséquences après la révélation) qui feront évoluer l’arc dramatique de cette femme, son histoire et la vôtre dans le même mouvement.
Par exemple,
Supposons que cette femme, notre héroïne, a survécu dans la vie en évitant soigneusement tout ce qui pouvait la blesser. Elle dépends aujourd’hui de ce mode et choix de vie pour protéger son cœur. Elle s’est isolée des sentiments d’amour car elle ne leur fait pas confiance. Sa vie aurait été trop inconfortable, trop risquée si elle se laissait aller.
Dans le premier acte, il se produit un événement soudain et cette fois, ses défenses qu’elle pensait sûres ne tiennent pas.
Elle est obligée de prendre un nouveau chemin, un risque afin de résister (voire de survivre) assez longtemps pour retrouver un équilibre, pour se retrouver en sûreté.
Puis un autre événement se produit et elle est bien forcée d’accepter de participer à cette aventure. Elle tente des choses, remporte des petites victoires mais la colère et la peur remplacent la confiance en soi. Ses défenses craquent de plus en plus et ses faiblesses sont exposées. Des faiblesses dont elle n’était pas consciente.
Elle est soudain à la merci d’événements et de personnages qui lui sont inconnus (elle est dorénavant dans un univers étranger dont elle doit apprendre les règles). Elle doit mettre de côté les forces entretenues pendant des années devenues inutiles maintenant.
Mais cela ne la rend pas plus fragile mais plus courageuse. En prenant un risque, elle a fait un véritable acte de foi et elle a dépassé la peur.
A ce tournant majeur de l’histoire (le passage dans l’acte Deux), elle est devenue vulnérable. Bien sûr a-t-elle cru que tout était perdu pour elle mais en fin de compte, ce qui lui arrive est énorme car elle découvre une nouvelle vie. Du moins adopte-t-elle un nouveau point de vue sur la vie, bien plus gratifiant.
Et elle découvre la plus grande valeur dans la vulnérabilité : son ouverture d’esprit, sa capacité à s’ouvrir aux autres, sa volonté d’apprendre des autres, de la vie.
La révélation
Et ce qu’elle doit apprendre à ce moment de l’histoire, c’est son passé, son histoire cachée. Celle-là même qui est à l’origine de la forteresse dans laquelle elle s’était enfermée. C’est souvent si profondément enfoui que la douleur de faire face est aiguisée comme des milliers de lames tailladant l’âme.
Mais elle doit faire face afin de se libérer de la peur que son passé à créé en elle.
Elle va découvrir sous ses défenses toute une vie émotionnelle, son manque d’estime d’elle-même et l’assèchement de son âme. Nous basculons à ce moment de l’histoire (vers le point médian de celle-ci) vers la stabilité émotionnelle et psychologique.
Le combat avec elle-même débute maintenant. Elle va se livrer à une sorte de guerre des sentiments.
Elle réalise que s’être créé une coquille, de peur d’être blessée par ses sentiments, l’a tenu éloigné de toutes ces émotions dont elle a besoin dorénavant pour s’accomplir. Le personnage doit apprendre à gérer ses nouvelles émotions pour survivre. Elle est maladroite et se sent frustrée et elle est apeurée aussi car ce qu’elle découvre implique qu’elle doit grandir, et rapidement.
Plus vous ajouterez de la complexité émotionnelle à votre histoire, plus son insatisfaction sera enracinée et plus votre personnage principal devra creuser pour trouver ses propres réponses.
Le personnage finira par atteindre l’impensable où la souffrance se niche et il devra la confronter pour obtenir les réponses qui lui permettront de survivre à l’intrigue.
Le dilemme que vous imaginerez pour votre personnage principal a quelque chose d’universel. Nous avons tous des secrets, des peurs, des hontes que nous ne voulons pas affronter.
Bien sûr, les problèmes particuliers soulevés dans l’intrigue sont trop singuliers pour que le plus grand nombre puisse s’y reconnaître. Mais le problème de l’histoire (son thème) offre suffisamment de liens pour qu’on s’y accroche.
Il est important de retenir que tant que les émotions sont vraies, l’intrigue peut contenir n’importe quel événement.