Continuons sur notre lancée après notre précédent article sur William C. Martell :
DIALOGUES : LES CONSEILS DE WILLIAM C. MARTELL
Vous avez compris à la lecture de l’article
DIALOGUES : LES CONSEILS DE WILLIAM C. MARTELL
qu’il faut éviter l’aspect discursif dans vos dialogues. Vous devez simplement obtenir une conversation entre deux personnages. Ne renversez pas non plus un déluge d’informations sur vos lecteurs.
Abordons un autre risque qui pourrait faire virer un bon dialogue en une soupe discursive en y glissant quelques lignes que nous pouvons qualifier d’exposition, c’est-à-dire que vous donnez des informations au lieu de montrer ce que vous tentez d’exprimer.
Je te hais !
Prenons l’exemple de deux personnages qui ont une discussion animée. L’un d’entre eux jette au visage de l’autre :
Je te hais !
Avec cette simple ligne de dialogue, vous donnez une information, vous exposez un sentiment avec des mots alors que vous devriez démontrer ce que le personnage ressent.
Avec cette ligne de dialogue, votre personnage agit comme s’il avait besoin que le public sache exactement qu’il hait l’autre personnage. Cela ne peut sonner que faux. Ce n’est qu’une information. Nous ne sommes pas dans un journal télévisé. Si vous faites dire à votre personnage l’évidence, il n’y a pas de dramatisation possible de l’action.
Et il y a pire : vous retirez tous ses droits à votre personnage. Avec une telle ligne de dialogue, vous l’empêchez d’agir pour montrer sa haine de l’autre personnage.
Vous devez creuser au-delà de l’évidence et trouver des détails plus spécifiques. Vous devez éliminer cet aspect d’exposé afin de créer un dialogue. Voyez-vous la différence ? Entre un exposé et un dialogue ?
Un autre écueil que William C. Martell conseille d’éviter. Ce sont les questions tendancieuses qui forcent l’autre personnage à nous balancer nonchalamment quelques lignes d’exposition.
Cela semble du dialogue, cela ressemble à du dialogue mais cela n’en est pas.
Un petit rappel sur ce terme d’exposition que nous employons. C’est le même terme du côté des scénarios hollywoodiens et il désigne une technique narrative qui consiste à révéler des informations soit sur des événements passés soit sur la vie du personnage avant que l’histoire débute. Avec ces informations, le lecteur peut comprendre les tenants et aboutissants de l’action en cours.
Dans Austin Powers, Basil Exposition porte ainsi bien son nom car il surgit de manière impromptue pour dire à Austin et à nous par la même occasion ce qu’il s’est passé, comment les choses fonctionnent ou bien ce que le docteur Denfer prépare.
Mais alors que dans ce cas précis, cela frise la parodie de la fonction du personnage dans l’histoire et que c’est l’effet recherché, lorsqu’un scénariste emploie cette technique, il le fait généralement pour sortir d’une impasse.
Le scénario est une expérience
Une des premières règles de l’écriture scénaristique est de créer des situations afin que le lecteur fasse l’expérience de l’histoire à travers des actions et des scènes dramatiques. Il faut que vous évitiez que quelqu’un raconte ce qu’il s’est passé.
Créez une situation afin que nous puissions expérimenter (ressentir si vous préférez) des émotions. Nous n’avons pas besoin qu’un personnage nous dise ce qu’il ressent. Je trans-crée les propos de Martell. Vous pourriez en disconvenir dans les commentaires.
Utilisez une conversation construite autour d’un conflit. Ne prenez pas la voie de la facilité en déversant sur votre lecteur un flux d’informations que vous ne donnez pas à voir (ne faites pas d’exposition avec vos personnages ou alors très parcimonieusement).
Créez des choix qui démontre le processus de pensée d’un personnage, ne lui faites pas dire ce qu’il pense. C’est une expérience que vous voulez partager avec votre lecteur. Vous devez trouver le moyen de montrer les émotions sans que le personnage n’ouvre la bouche. Son comportement et ses attitudes sont davantage un moyen d’expression que le langage. Pour Martell, si vous privilégiez systématiquement les dialogues, même votre exposition sonnera faux.
D’ailleurs on peut se demander pourquoi un personnage se sent obligé de nous dire ce qu’il lui est arrivé au lieu de l’autoriser à vivre ce qu’il lui arrive au moment où cela lui arrive.
Si le drame a eu lieu dans le passé, vous conjuguez votre histoire au passé et le conflit est déjà mort. La raison pour laquelle une des conventions dans un processus d’écriture de scénario est le présent est parce que l’action se produit maintenant. Le lecteur ou le spectateur sont dans l’action présente. Tout doit se passer devant leurs yeux.
Et cela est vrai aussi dans l’autre sens. Il est inutile de faire dire à un personnage ce qu’il va faire car cette fois, vous conjuguez votre histoire au futur.
Pour rester dans le présent, montrez ce que les personnages font maintenant, pas ce qu’ils ont déjà fait ou ce qu’ils vont faire.
Les questions à se poser pour éviter de déraper :
- Pouvez-vous toujours comprendre votre personnage sans une ligne de dialogue mais seulement à travers ses actions ?
- Dans le cas où vous avez déjà travaillé vos dialogues, y a-t-il des scènes où vos personnages parlent de ce qu’il s’est passé plus tôt dans l’histoire ?
Si c’est le cas, débarrassez-vous de ces dialogues et retravaillez votre scène. A moins qu’un rappel soit nécessaire auprès du lecteur. Il se passe tellement de choses dans une histoire qu’il est bon d’arrêter l’action de temps en temps pour rappeler une information importante ou l’état des lieux de l’action actuelle. - Est-ce que vos dialogues sont effectivement des dialogues ?
Vous avez besoin d’établir une intersubjectivité entre vos personnages. Pour qu’il y ait vraiment un dialogue, il faut qu’il y ait un échange de contenu pertinent qui fasse avancer l’action dans votre scène.
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