L’arroseur arrosé des frères Lumière en 1895 est considéré comme l’une des premières ébauches de la comédie dans l’histoire du cinéma.
Tout comme L’éternuement de Fred Ott, L’arroseur arrosé est d’abord la description cinématographique d’un gag. Néanmoins, et bien que rudimentaire, il existe une intrigue. Et cette présence est suffisante pour caractériser ce film comme une narration relevant de la comédie.
La marque du ridicule
Voici le chapitre V de la définition de la comédie selon Aristote :
La comédie, nous l’avons dit déjà, est une imitation de ce qui est plus mauvais (que la réalité), et non pas en tout genre de vice, mais plutôt une imitation de ce qui est laid, dont une partie est le ridicule. En effet, le ridicule a pour cause une faute et une laideur non accompagnées de souffrance et non pernicieuses : par exemple, on rit tout d’abord à la vue d’un visage laid et déformé, sans que celui qui le porte en soutire.
Quelle serait cette marque du ridicule chez L’arroseur arrosé ?
Précisément son incapacité à comprendre pourquoi le tuyau ne donne pas d’eau couplée à une faculté bien humaine qui est la curiosité.
Ajoutons à cela son aptitude à examiner un objet dont il sait pertinemment qui peut l’asperger d’eau (il y a une certaine folie à l’œuvre dans ce comportement) et vous en faites la victime d’une farce prévisible.
Lorsque le garçon reconnaît chez le jardinier la marque du ridicule, il exploitera cette déficience en écrasant le tuyau du pied et l’intrigue comique se met en place.
L’incongruité de la perte de contrôle corporel du jardinier surpris nous rappelle ce que Bergson disait : le comique est quelque chose qui vient se plaquer sur le vivant. L’arroseur arrosé décrit une situation et cette situation est drôle.
Au temps du cinéma muet, beaucoup de captations furent en fait des documentaires sur des routines comiques qui avaient déjà été éprouvées sur les planches. Le cinéma n’avait pas encore trouvé son langage.