De nombreux scénarios sont bâtis sur trois composants de base : le personnage, un désir irrépressible et un conflit.
Votre héros devra faire face à d’insurmontables conflits (du moins apparemment insurmontables) en poursuivant un objectif (quelque chose qu’il veut vraiment, d’irrésistible).
Clarice STARLING qui essaie de stopper HANNIBAL, le Capitaine MILLER qui essaie de retrouver le SOLDAT RYAN ou Billy ELLIOT qui essaie de se faire admettre dans une école de ballet sont tous des protagonistes confrontés à des obstacles terribles dans leur puissant désir d’accomplir une tâche bien déterminée.
La structure du récit sert de socle à une série d’événements qui mènera le héros vers l’accomplissement de son objectif. Il n’est cependant pas le seul par quoi ou qui l’intrigue avance.
Cette structure a l’avantage d’être commune à nombre de récits quelque soit leur genre. En respectant les 5 moments majeurs d’un récit (d’après Michael Hauge), vous devriez être à même de captiver votre lecteur.
Nous pouvons distinguer 6 étapes dans la structure d’une histoire, 6 étapes délimitées par 5 points.
Ces points sont considérés majeurs car ils orientent l’intrigue vers une nouvelle direction. Non seulement, ces 5 moments importants sont communs à tous les récits mais ils surviennent toujours aux mêmes positions dans le déroulement de votre histoire.
Que votre scénario s’étende sur 90 ou 120 pages, le premier moment majeur de votre récit se produira à 25 % du nombre de pages.
Soit environ la page 30 pour un scénario de 120 pages, si vous avez respecté le formatage standard lors de l’écriture de votre scénario car 1 page correspond à environ 1 minute de film.
L’ETAPE 1 : LA MISE EN PLACE (SET-UP)
La séquence d’ouverture de votre histoire doit s’étendre sur 10 % de la longueur de votre scénario (soit environ les 10 premières pages pour un scénario de 90 pages) et
– mettre en place le cadre de votre histoire,
– révéler le quotidien de votre héros (que nous pouvons assimiler à un statu quo avant que ce quotidien ne soit bouleversé et que l’intrigue commence vraiment),
– à créer une sorte d’empathie envers ce héros en le rendant sympathique et attachant d’une façon ou d’une autre (il est drôle ou bien il est menacé ou encore puissant..).
Il serait même préférable que le plus gros de cette exposition ait lieu au cours des 6 premières pages et soit un peu plus détaillée lors des 4 pages suivantes.
Dans Seul au monde de Robert Zemeckis écrit par William Broyles Jr, nous sommes transportés dans le monde d’un responsable de FedEx.
Il nous est décrit comme un homme qui prend son travail très au sérieux, aimable avec ses collègues. Et puis nous éprouvons une sympathie pour lui lorsqu’il est obligé de quitter sa fiancée un soir de noël pour une mission périlleuse.
L’idée derrière cette première étape est de nous extraire de notre propre réalité et de nous propulser vers le monde que l’auteur a créé.
LE POINT MAJEUR 1 : L’OPPORTUNITE
S’établissant au 10 % de votre scénario (soit environ la page 10 pour un scénario de 90 pages), il doit être présenté au héros une opportunité.
Cette opportunité n’est pas l’objectif que votre personnage doit atteindre. Elle crée en lui un désir devenu volonté qui l’emmènera à l’étape 2 de votre histoire.
Cette opportunité permet à votre héros de commencer son voyage, de débuter le parcours vers une aventure qui le mènera finalement à la réussite ou à l’échec d’un objectif qui ne lui pas encore été assigné. Cette opportunité est souvent décrite comme l’incident déclencheur.
L’opportunité pour Erin est de se faire embaucher dans un petit cabinet d’avocat en forçant la main de Ed Masry (Erin Brockovich, seule contre tous de Steven Soderbergh). Dans Gladiator, l’empereur Marcus souhaite que Maximus devienne César et remette le pouvoir au peuple. Mais Maximus ne lui demande comme faveur que de retourner chez lui. Dans Just Married (ou presque) de Garry Marshall en 1999, l’opportunité qui permet à l’histoire d’avancer est le moment où Ike se fait virer du journal à cause de Maggie. Et qu’il prend la décision de la rencontrer ce qui lance le début de l’intrigue.
L’ETAPE 2 : UNE SITUATION NOUVELLE
Pour les 15 % suivant (soit de la page 10 à la page 25 pour un scénario de 90 pages), le héros réagit à la nouvelle situation, conséquence de l’opportunité qu’on lui a donnée.
Il s’acclimate à son nouveau cadre. Il essaie de comprendre ce qu’il se passe et peut aussi concevoir un plan pour tenter d’accomplir son objectif (si ce dernier a été déterminé par l’opportunité).
Fletcher de Menteur, Menteur de Tom Shadyac doit comprendre quelle malédiction l’a frappé pour l’obliger à dire la vérité. Dans Madame Doubtfire, Daniel conçoit le plan de devenir Iphigénie Doubtfire pour revoir ses enfants après sa séparation. Dans Gladiator, Marc Aurèle demande à Maximus de prendre le contrôle de Rome et de la remettre entre les mains du peuple malgré les ambitions de son fils Commode.
L’opportunité est très souvent accompagné d’un changement de lieu. Comme d’embarquer à bord du Titanic ou a bord de Air Force One, par exemple.
Dans Rain Man de Barry Levinson, Charlie se rend à Cincinnati pour l’enterrement de son père et l’enlèvement de son frère.
La plupart du temps, le protagoniste entre volontairement dans la situation nouvelle (après quelques réticences, cependant) avec une pointe d’excitation ou d’anticipation. Il peut penser aussi (d’ailleurs, c’est même assez habituel) que le nouveau problème qu’il rencontre sera facilement résolu.
LE POINT MAJEUR 2 : LE CHANGEMENT DE PLAN
A 25 % de votre scénario, il doit arriver quelque chose à votre protagoniste qui transformera le désir en besoin. C’est-à-dire en un objectif évident et clairement défini avec un point final.
C’est à ce moment que vous créez la scène qui définira le concept de votre histoire (le concept n’est pas l’idée de votre histoire mais plutôt comment vous allez faire la démonstration de votre idée). Votre héros prendra effectivement à sa charge le problème que soulève votre récit en déterminant la motivation qui le pousse à agir.
Cette motivation est qualifiée d’extérieure pour la distinguer de ce qu’il peut se passer dans la tête de votre protagoniste. En effet, votre héros entreprend généralement deux voyages.
Le voyage extérieur (Outer Journey) concerne son objectif visible (auquel est lié une motivation extérieure (Outer Motivation)).
Et un voyage intérieur (Inner Journey) qui décrit les transformations qui se joue en interne dans la psyché du héros. Des traits de sa personnalité changeront au cours de son aventure, au cours des péripéties que rencontrera son âme au long de son voyage.
Outer Motivation est un terme inventé par Michael Hauge pour désigner le point final que votre héros doit atteindre.
Notez que votre lecteur encouragera votre héros dans la poursuite de son objectif. Et donc que le point final qui concrétisera la réussite ou l’échec pour votre protagoniste doit être clairement défini dans l’esprit de votre lecteur.
Le point final n’explique pas la Outer Motivation, il la justifie. Cet ultime horizon rend légitime la motivation ou la détermination du héros à l’atteindre.
Par exemple dans Working Girls dirigé par Mike Nichols et écrit par Kevin Wade, c’est à ce moment que Tess découvre que Katharine lui a volé son idée et qu’elle décide de se faire passer pour sa patronne.
Nous encourageons Tess dans cette voie puisque malgré cette imposture répréhensible, nous considérons Tess comme une victime.
Nous devinons aussi que lorsque Tess aura ou bien réussie ou bien échouée dans son objectif, l’histoire sera terminée. Cet objectif, ce point final pour Tess, justifie ses motivations.
Inner Journey : un parcours émotionnel
Un mot encore sur le Inner Journey. Beaucoup d’événements suscitent en nous une réponse émotionnelle et chez nos personnages aussi.
Pour mettre en place cette réponse émotionnelle chez eux, plus précisément pour leur donner la possibilité de répondre émotionnellement aux événements, certains éléments doivent être créés.
Le héros doit avoir des aspirations et des besoins, des blessures, des peurs. Il doit trouver la force, le courage d’affronter ses peurs, de panser ses plaies pour que ses aspirations et ses besoins réels puissent se manifester.
C’est à ce titre que l’on considère qu’un personnage a évolué. Sa nature profonde s’est révélée au cours des étapes de son voyage intérieur.
L’ETAPE 3 : L’AVANCÉE
Cette troisième étape se déroule entre les 25 et 50 % de votre scénario.
Les plans du héros qui le rapprochent de son objectif semblent fonctionner. Cela ne veut pas dire qu’il ne rencontre pas d’obstacles au cours de ces 25 % du scénario, mais il lui est facile de les surmonter. Gardez à l’esprit qu’un héros est animé d’un appétit irascible selon l’expression de Plotin, c’est-à-dire d’une volonté sans faille à surmonter les obstacles.
Dans Gladiator, Maximus est laissé pour mort. Il s’échappe cependant pour protéger sa famille (son objectif à ce moment du récit) mais il arrive trop tard. Ils ont été assassinés. Il est ensuite capturé et vendu à Proximo qui fera de lui un gladiateur invincible.
LE POINT MAJEUR 3 : LE POINT DE NON RETOUR
Le point de non retour se produit au point médian de votre récit soit environ à la moitié de celui-ci.
A ce moment, votre héros a fini de tergiverser. Il fait sien le problème soulevé par votre récit. Il s’engage à fond dans la poursuite d’un objectif qui est maintenant clairement défini et visible.
Jusqu’à présent, le point final était laissé en filigrane. Nous savons qu’il est probablement lié à l’antagoniste mais le héros ne s’était pas encore complètement impliqué dans la poursuite indéfectible de son objectif.
Jusqu’à ce point médian du récit, le héros a encore la possibilité de faire demi-tour, d’abandonner ses plans et de retourner à sa vie d’avant. Bien sûr qu’il ne le fera pas, d’autant plus qu’il se pourrait que sa vie d’avant n’existe plus à ce point de l’histoire.
Mais le choix doit être encore possible.
Le point de non retour doit être aussi celui où le protagoniste prend le maximum de risques. C’est un point majeur de l’intrigue qui influe sur tous les personnages et sur la suite de l’histoire.
C’est à ce moment que Maximus arrive à Rome, décidé à gagner la foule en tant que gladiateur, pour approcher et détruire l’aura de Commode (et en débarrasser Rome par la même occasion).
L’ETAPE 4 : COMPLICATIONS ET ENJEUX PLUS ÉLEVÉS
Le point de non retour amène son lot de complications et augmente les enjeux.
Cette étape 4 commence donc à partir du point médian du récit et s’étend sur les 25 % suivant du scénario.
Atteindre l’objectif semble devenir de plus en plus improbable et le héros a davantage à perdre s’il échoue.
Mitch McDeere (La Firme de Sydney Pollack) prend la décision d’accumuler des preuves contre la firme au point médian du récit. A partir de ce moment, il devra cacher ses activités à la fois de la bande mais aussi du FBI (les complications) et s’il échoue, ce sera la prison ou la mort (ce qui est en jeu est plus grave).
Le conflit se construit et se déconstruit et il semble bien que la réussite soit à portée du héros.
LE POINT MAJEUR 4 : LE REVERS
Nous sommes à 75 % du scénario et par la même occasion au passage de l’acte 2 vers l’acte 3.
Michael Hauge ne le dit pas explicitement, mais la structure en 3 actes situe le point de passage de l’acte 2 vers l’acte 3 à 75 % du scénario.
Nous avons vu depuis le début de l’étape 4 (Complications et Enjeux plus élevés) que les obstacles sur le chemin du héros devenaient plus impitoyables. Et que celui-ci semblait malgré tout les surmonter (ce qui est en jeu à ce moment l’a probablement incité à redoubler d’efforts).
Il doit se produire au point majeur 4 un événement qui donnera l’impression au lecteur que tout est perdu pour le héros (un point de l’intrigue généralement dénommé le All is Lost).
Dans Matrix, par exemple, c’est à ce moment que Morpheus est capturé.
S’il s’agit d’une comédie romantique, vous auriez pu imaginer un héros qui a basé sa relation amoureuse sur une supercherie. Alors ce sera à ce moment, à 75 % de votre scénario, qu’il vous faudra révéler cette supercherie et que les amants se sépareront.
Votre héros a atteint le nadir de son arc dramatique, il est au plus bas. il y a un moment de flottement jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il ne lui reste qu’une seule option : il doit fournir un ultime effort comme s’il s’agissait d’un sacrifice.
L’ETAPE 5 : L’ULTIME EFFORT
Le début de l’acte 3, ou bien à partir de la page 90 de votre scénario de 120 pages, montre votre héros au plus bas de son arc dramatique. Il lui faut fournir l’ultime effort, risquer tout ce qu’il a trouvé en lui, c’est-à-dire la moindre once d’effort et de courage pour atteindre l’objet de sa quête.
Nous ne savons toujours pas s’il réussira ou échouera mais pour le héros, une seule chose compte : réaliser son objectif. D’ailleurs, il n’a pas le choix. C’est la seule chose qu’il a à faire à ce moment de l’intrigue.
Le conflit est accablant, le rythme s’accélère et rien ne semble réussir au héros. Cette étape pourrait correspondre au Dark Night of the Soul de Blake Snyder.
Ces ténèbres de l’âme seraient alors la métaphore d’une profonde désespérance, sorte de contrecoup du All is Lost du point majeur 4.
LE POINT MAJEUR 5 : LE CLIMAX
Le climax s’étend quelque part entre les 90 à 99 % de votre scénario. C’est dans le climax que votre héros devra affronter le plus grand obstacle de tout le récit. C’est là qu’il devra décider de son propre destin. Tout se joue dans le climax pour le héros.
L’Outer Motivation doit trouver son point final. Elle doit être définitivement résolue.
Le point exact où se situe le climax entre les 90 à 99 % de votre histoire dépend du temps dont vous aurez besoin pour la dernière étape.
L’ETAPE 6 : L’APRES CONFLIT
Aucune histoire ne se finit sur la résolution du conflit. Il y a toujours un lendemain. Lors de l’étape 6, il faut montrer la nouvelle vie du héros maintenant qu’il a terminé son voyage.
Dans des récits tels que Rocky, Thelma et Louise ou The Truman Show, il y a peu à montrer ou à expliquer. L’auteur se contente alors de laisser son lecteur étonné ou exalté. Mais dans les comédies romantiques, les films d’action, policiers ou drames, les conséquences de l’après conflit sont décrites sur les 5 ou 10 dernières pages du scénario.
Michael Hauge avertit cependant que ces étapes et points majeurs ne doivent pas nuire à votre créativité. Mais cette structure est un outil puissant qui vous aidera à développer votre histoire d’une manière sereine et sûre.
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