Le climax de l’histoire se produit au moment où André laisse choir volontairement Suzanne. Juste avant cette chute, le récit nous persuade que Suzanne est conquise par les talents de danseur d’André. L’idée, encore une fois, consiste à refléter l’image de Frans à travers André. Une fois de plus, Verbanck joue avec le lecteur. En effet, la chute de Suzanne n’est pas montrée comme provoquée par André. A ce moment, l’histoire nous fait croire que André ET Frans ont échoué. Lorsque André rejoint Frans au bar, André le convainc d’aller inviter Suzanne de danser le tango, ce qu’elle accepte.
Puis les choses s’embrouillent encore plus dans l’esprit du lecteur face à ce sourire énigmatique d’André.
Penchons-nous un peu sur les fonctions dramatiques de nos deux personnages.
André est fondamentalement le protagoniste puisqu’il est le personnage qui a un but à atteindre. Il est aussi le moteur de l’intrigue. En tant que protagoniste, c’est lui qui a élaboré un plan afin d’atteindre son objectif.
L’objectif d’André (qui est en fait un homme accompli et satisfait de sa vie) est d’apporter le bonheur et la joie chez les autres. Son plan, mentalement élaboré, consiste donc aussi à influencer les autres à considérer ce plan même s’ils n’en ont pas conscience. Dans Tanghi Argentini, il s’agit d’influencer Frans pour l’amener à accepter le cadeau de noël que André lui a préparé.
Maintenant que les actions sont planifiées, il faut les mettre à exécution. C’est ainsi que tous les événements qui vont se produire dans l’histoire sont plus ou moins reliés à ce que Dramatica nomme l’Overall Story Goal. Par ses actions, André doit impérativement entraîner Frans avec lui afin de le rallier au plan même si Frans ne se doute absolument de rien.
Par définition, un antagoniste est un personnage qui s’oppose directement au protagoniste et qui cherche à l’empêcher d’atteindre son objectif. Au début, les réticences de Frans le désigne comme l’antagoniste d’André. Au moment du climax, c’est lui aussi qui emporte le cœur de Suzanne qu’apparemment André convoitait. De plus, il possède sur André des avantages certains : plus jeune, plus grand et c’est un danseur de tango inspiré et reconnu. Il correspond en tous points à un antagoniste valable. D’ailleurs, il a probablement été conçu dans cet esprit.
L’astuce du script, cependant, est de tordre l’archétype de l’antagoniste. Frans va aider André. Il lui apprend à danser le tango et ll semble bien que cela réussit, du moins jusqu’à la chute de Suzanne. A partir de l’incident déclencheur, Frans n’est plus dans l’état d’esprit de nuire à André.
C’est ce que permet un court-métrage. Le manque d’espace n’est pas un handicap mais vous permet de tordre les règles et de donner des contre-exemples.