Le défaut principal du personnage est la clef de la transformation de celui-ci au cours de son aventure. Ce changement est surtout connu sous le terme d’arc dramatique.
Ce défaut est un des éléments de base de l’histoire car c’est lui qui empêche le personnage principal d’atteindre son objectif.
L’antagoniste a pour fonction d’entraver le protagoniste dans sa quête. Il s’agit de l’objectif manifeste, apparent, au vu et su de tous les autres personnages et dans lequel ils sont plus ou moins impliqués et du lecteur.
Mais une faille, un défaut dans le tréfonds de l’âme de votre héros peut soit participer à le freiner dans sa quête, soit l’empêcher de se réaliser complètement en tant qu’être humain, ce qui serait alors son véritable objectif. L’objectif visible du héros ne serait alors qu’un moyen dramatique pour autoriser le personnage principal à découvrir ses vérités cachées, à faire la lumière sur des croyances qui l’inhibaient à se réaliser complètement.
Ce trait majeur de la personnalité du personnage est celui dont il montre le plus de réticence à reconnaître à cause de la douleur ou de la perte que cette révélation sur lui-même impliquent. Ce refoulement vient alors paralyser son évolution, son arc dramatique devient plat. Or dans un script, cela ne peut être. Il est donc nécessaire que le personnage puisse surmonter cette inhibition à s’accomplir à travers les épreuves et les tests qu’il éprouvera au cours du récit (principalement dans l’espace de l’acte Deux, celui de l’intrigue).
Par une sorte de préscience, il semblerait que ce soit aussi à ce caractère refoulé du héros que le méchant de l’histoire s’accroche pour rendre les choses de plus en plus difficiles à un héros qui a de plus en plus de mal à surmonter les obstacles posés sur son chemin.
Cette faille est l’essence même de la création du personnage principal et elle indique quelle sorte d’arc dramatique ce personnage devra suivre afin qu’il y ait une résolution satisfaisante de l’histoire et ce, quel que soit le genre. C’est d’ailleurs un des avantages de cet outil dramatique que de mettre en place un défaut dans la personnalité du personnage principal car il s’affranchit du genre de l’histoire.
Afin de déterminer quelle pourrait être la faille de votre héros, voici trois questions sur lesquelles vous pourriez effectuer un brainstorming :
Comment se termine l’histoire ?
Si vous savez comment se termine votre histoire (à définir avant même le travail d’écriture du script), qu’advient-il de votre héros ? Qu’est-il capable de faire (sur les plans physique, émotionnel, spirituel, moral..) maintenant que l’histoire est terminée et qu’il était incapable de réaliser au début de l’histoire ?
A la fin de My name is Hallam Foe de David MacKensie d’après le roman de Peter Jinks, Hallam est maintenant capable d’avoir de réels rapports intimes alors qu’au début de l’histoire, son incapacité à ‘accepter le suicide de sa mère l’a amené à avoir ce comportement étrange et asocial qui l’a conduit à sa marginalisation et à sa solitude.
A la fin de Hot Fuzz de Simon Pegg et Edgar Wright, la passion immodérée de la justice de Nicholas Angel est acceptée et justifiée alors qu’elle était précisément sa faiblesse au début de l’histoire. Une faiblesse qui lui valut d’être rétrogradé dans un village où il ne se passe quasiment rien.
Son refus d’entrer dans le moule ce qui dévalorisait ses collèges et qui est la cause de sa mise à l’écart reste inébranlable mais au cours de l’histoire, cet entêtement s’est transformé de faiblesse en force.
Donc en connaissant à l’avance la fin de votre histoire et son impact sur l’évolution personnelle du personnage principal, vous pouvez en déduire la faille dans sa personnalité qui vous servira à démarrer son arc dramatique.
Quel est le but de l’antagoniste ?
Le méchant de l’histoire ne doit pas se contenter de simplement empêcher le héros de finir sa quête. Il doit avoir sa propre histoire, ses propres motivations, ses propres raisons d’agir comme il le fait.
Son intervention contre le héros doit être motivée par le fait que le héros se trouve sur son chemin. Le héros va devoir affronter une force qui le connaît bien et qui s’acharne à le stopper en frappant tout particulièrement là où cela blesse le plus.
Souvent, l’antagoniste veut la même chose que le protagoniste mais a une perspective diamétralement opposée à celui-ci.
Dans Doute de John Patrick Shanley, le Père Brendan Flynn et Sœur Aloysius, directrice de l’école catholique de Saint-Nicolas ont à cœur les intérêts des enfants. Cependant, Ils diffèrent radicalement sur le point de vue dont ces intérêts doivent être portés.
Sœur Aloysius est de la vieille école aux croyances à l’ordre, la rigueur et l’intimidation tandis que le père Flynn a un esprit plus ouvert, plus libéral, prônant la sympathie et le rapprochement avec les enfants plutôt qu’une distance autoritaire et sèche.
Sœur Aloysius fera tout pour empêcher le Père Flynn d’introduire une culture plus tolérante, plus clémente au sein de cette école catholique jusqu’à fabriquer un incident pour justifier de son renvoi.
La faiblesse du Père Flynn est sa croyance que d’être ouvert au doute est la voie par laquelle on puisse progresser positivement.
Mais une croyance peut être aussi considérée comme un mensonge que l’on se fait à soi-même par aveuglement et par là, montrer de l’intolérance même si l’on prône la tolérance.
A la fin de l’histoire, le Père Flynn accepte qu’il y a des choses qui ne peuvent changer et dans la foulée accepte aussi l’injustice de son renvoi de Saint Nicholas qu’il affectionnait tant.
Cette révélation, cette compréhension dont fait preuve le Père Flynn est la conséquence directe de l’intensité et de la réussite de l’attaque menée contre lui par Sœur Aloysius.
Donc si l’objectif de l’antagoniste est clair, alors la faiblesse du personnage principal sera exactement ce qu’il faut à l’antagoniste pour atteindre et blesser le héros afin de mener à son terme cet objectif.
Qu’est-ce qui rend l’objectif ultime du héros si difficile à atteindre ?
Que doit faire le héros pour que nous comprenions que l’histoire est terminée ?
Qu’a t-il à gagner ou à conquérir ? De quoi doit-il s’évader ? Que doit-il récupérer ou ramener ? ou De quoi doit-il s’abstenir ? Les possibilités sont presque infinies ici.
Et pourquoi ou du moins qu’est-ce qui rend si difficile pour lui d’obtenir ce qu’il veut ? Pourquoi est-ce spécifiquement pour lui la pire des situations possibles dans laquelle il puisse se trouver ?
On devine ou bien l’on a tous expérimenté des émotions primales, génériques de situations catastrophiques mais quelle est la difficulté spécifique que cet objectif particulier soulève pour votre personnage principal dans votre histoire ?
Dans Black Swan de Darren Aronofsky, Mark Heyman et John J. McLaughlin, Nina réussit à tenir le rôle principal du cygne blanc dans lequel elle est parfaite mais ne parvient pas à assumer celui du cygne noir à cause de son manque de sensualité.
Cependant, cette réussite n’est pas la fin mais le début de l’histoire de Nina. Thomas, le maître de ballet, est convaincu que pour interpréter le cygne noir, Nina doit libérer sa sensualité.
L’idée des auteurs est que Nina doit en fait libérer la part d’ombre de sa psyché, une part qu’elle tient hérmétiquement scellée.
Ce qui rend cette tâche si difficile pour Nina de s’accomplir pleinement (figuré par sa capacité à interpréter à la fois le double maléfique du cygne blanc (le cygne noir) et le cygne blanc) est dû à une répression (ou un refoulement) à la fois émotionnelle et sexuelle qui se manifeste dans son extrème perfectionnisme.
Cette faille dans son caractère, cette peur de perdre le contrôle, s’avèrera finalement fatal pour Nina.
Dans Raiponce de Mark Kennedy, Dean Wellins et Dan Fogelman d’après les personnages du conte du même nom des Frères Grimm, Raiponce s’interroge devant le spectacle des lanternes volantes qu’elle aperçoit une fois l’an dans le ciel lointain.
Elle souhaite donc se rapprocher de ces lanternes séduisantes et assister au spectacle mais la maléfique Gothel l’a enfermée dans une tour isolée cachée au cœur de la forêt.
Afin de réaliser son rêve, elle doit s’échapper, perdre son innocence et sa naïveté et se rebeller contre l’autorité de Gothel. Une difficulté supplémentaire rend la tâche encore plus difficile pour Raiponce car elle a été élevée par Gothel dans l’ignorance totale du monde extérieur. Elle ne saurait même pas par où commencer s’il elle devait accomplir seule son objectif.
La faille ou la faiblesse dans la personnalité de Raiponce est précisément cette innocence et cette ignorance et c’est pour cela que son objectif semble impossible à réaliser.
Vous l’avez donc compris : la principale raison qui rend difficile la réalisation de l’objectif pour le personnage principal est étroitement liée à la faille majeure de sa personnalité dont son antagoniste profitera pour lui nuire.