La tension dramatique est l’un des outils les plus puissants jamais utilisé dans l’art dramatique pour maintenir l’engagement émotionnel dans votre histoire.
Frank Daniel l’a parfaitement résumé en une phrase :
Somebody wants something badly and is having difficulty getting it
Quelqu’un veut une chose à tout prix et a des difficultés à l’obtenir.
Frank Daniel fait référence à deux types d’histoires : la poursuite et l’évasion. Mais toutes deux reviennent à la même chose : soit quelqu’un veut quelque chose et a du mal à l’obtenir, soit ce quelqu’un essaie d’échapper à quelque chose et rencontre des difficultés pour y parvenir.
En conservant la découpe en 8 séquences de Frank Daniel, il s’avère non seulement qu’elles s’intègrent en douceur dans une structure en trois actes mais aussi que la tension dramatique s’articule mieux lorsqu’elle est répartie dans les séquences selon Daniel et qu’elle s’observe aussi dans la perspective des trois actes puis dans celle du tout (Aristote) que constitue votre histoire.
Un objectif
Lorsque votre personnage veut quelque chose, une question est soulevée (systématiquement) : l’obtiendra-t-il ?
C’est la question dramatique que soulève votre histoire.
Une question dramatique s’organise en trois parties :
1) La question est posée
2) La question est délibérée
3) La question est répondue.
Ces trois parties d’une question dramatique suffisent à la poser correctement.
Donc, l’on peut considérer que le premier acte pose la question :
Est-ce que ce personnage obtiendra ce qu’il veut ?
Le second acte est le moment où cette question est délibérée. Le personnage rencontre des difficultés qu’il doit surmonter. Dramatica aborde cette phase en la comparant à notre esprit lorsqu’il est confronté à un problème qu’il doit résoudre.
Une histoire fonctionne de la même manière : c’est un processus de résolution de problème. Chaque difficulté rencontrée par le héros doit être examinée sous tous les angles possibles et la meilleure approche pour la résoudre doit être retenue. C’est ainsi que la question dramatique est mise en délibération.
Le troisième acte apporte la réponse, c’est-à-dire non pas la description de la solution qui apparaît lors du second acte, mais les conséquences de celle-ci.
Ainsi, la tension dramatique induite par la question dramatique retient l’attention du lecteur dans l’espoir de la réponse.
L’intérêt de ce dispositif de la tension dramatique est qu’il s’applique aussi bien aux séquences qu’aux scènes.
Question de structure
Donc, chaque séquence et chaque scène se découpe elles aussi en trois parties. Elle fonctionne comme la structure en trois actes : le personnage veut quelque chose, il est confronté à un obstacle, ce conflit génère de la tension et finalement, une réponse est apportée. Cette réponse ensuite est la cause d’une nouvelle tension lorsque ce processus se répète dans la scène suivante.
Ce mouvement est identique pour les séquences. Chaque séquence mène à une nouvelle tension qui lui est propre.
Chaque scène et chaque séquence ont un point particulier dénommé le climax qui a en charge de communiquer la réponse.
Chaque séquence se décompose en scènes, les 8 séquences s’articulent autour de trois actes et les trois actes forment le Tout, c’est-à-dire votre histoire.
Chaque climax de chaque scène a en charge la résolution spécifique de chaque scène. Chaque climax de chacune des séquences a en charge la résolution de la question posée par la séquence.
Dans Assurance sur la mort (1944) de Billy Wilder et Raymond Chandler d’après Assurance sur la mort (Three of a Kind) de James M. Cain, Walter Neff décide d’aider Phyllis à tuer son mari pour toucher l’assurance et vivre avec elle à la fin du premier acte.
Cela pose la question dramatique : réussira-t-il ?
La séquence qui suit immédiatement cette décision de Neff soulève une autre question dramatique : pourront-ils accomplir leur horrible méfait sans être découvert ?
Pour soutenir la question dramatique et ainsi la tension générée par la question, une série d’obstacles ou d’épreuves se succèdent à cette fin.
Chaque scène ne doit pas nécessairement être soumise à de la tension. Il est souvent nécessaire de préparer la venue de la tension par quelques scènes préparatoires ou bien encore la scène peut être une récapitulation de la situation pour permettre au lecteur d’aborder la suite de l’histoire avec toutes les informations requises et peut-être oubliées.
Mais toutes les fois où de la tension est nécessaire, il y a les trois parties que nous avons précédemment mentionnées.
La notion de Tout telle que l’a définie Aristote sied bien aussi à la structure en trois actes. Cette notion permet d’appréhender l’histoire effectivement comme une histoire complète où les 8 séquences (si l’on suit Frank Daniel) ou bien chaque page du scénario viennent se fondre au profit du Tout.
Il y a une question dramatique posé par ce Tout et il y a une tension dramatique principale induite par ce Tout.
Les tensions secondaires (celles des scènes et des séquences) sont distinctes de la tension dramatique principale.
Aristote parlait d’éléments organiques constitutifs du Tout pour définir ce qu’on nomme aujourd’hui scène ou séquence. La tension principale issue du Tout est cependant ce qui apporte cette unité à l’histoire.
La question dramatique que pose le Tout peut être alors considérée comme le thème ou la prémisse de votre histoire.
Par exemple :
Un homme faussement accusé de meurtre et poursuivi par la police et des agents ennemis doit prouver son innocence.
C’est le sujet de La mort aux trousses et soulève la question dramatique : réussira t-il ?
Le capitaine John H. Miller reçoit l’ordre de récupérer un G.I. derrière les lignes ennemis et le ramener vivant.
Il faut sauver le soldat Ryan
Il est bon de noter cependant que la résolution de la tension dramatique principale n’a pas souvent lieu à la fin de l’histoire. Très généralement, elle est résolue à la fin du second acte. C’est d’ailleurs ce qui caractérise la fin de l’acte Deux.
Dans la plupart des cas, une nouvelle tension dramatique s’impose d’elle-même dans l’acte Trois.
Dans La mort aux trousses, la tension autour de Roger Thornhill est résolue à 77 % du scénario. Le troisième acte tourne autour de la question de sauver Eve.
Le capitaine Miller décide d’abandonner la mission à 70 % du scénario. La tension du troisième acte s’organise autour de la défense du pont.