LE MOMENT DE L’INCIDENT DECLENCHEUR

L’incident déclencheur est un événement personnel qui bouleverse le quotidien du héros et qui pave son chemin jusqu’au moment du passage à l’acte Deux.
La plupart des incidents déclencheurs se produisent lors des dix premières pages du scénario mais ce n’est nullement une obligation. Certains n’ont jamais même lieu ou bien sont relégués dans les derniers instants de l’acte Un.
En règle générale, vous devriez avoir terminé votre mise en place, tout le travail préparoire de la mise en place de votre histoire, au plus tard à la page 25 du scénario (soit pour un scénario bien formatté environ 25 minutes).
Gardez à l’esprit cependant que si vous n’avez pas réussi à captiver votre lecteur au plus à la page 10, il y a de fortes chances que vous le perdiez avant la page 25.

Les 10 premières pages

Pour éviter que l’ennui ne prenne le pas sur l’intérêt, les 10 premières pages du scénario devraient illustrer un événement qui soit en rapport avec le genre de votre histoire et qui soit capable d’accrocher votre lecteur.
La nature très particulière de l’incident déclencheur lui fournit un critère d’éligibilité pour cet événement. Lorsqu’il est ainsi présenté si tôt, l’incident déclencheur oblitère une partie du setup mais par contre évite à l’ennui de s’installer en retenant très rapidement l’attention du lecteur.

Dans les thrillers, l’incident déclencheur est très souvent l’assignement de la mission à accomplir. Or, cet incident qui va bouleverser la vie du héros en l’engageant dans la mission (et qui commence à dessiner l’objectif ultime du héros) n’est pas très intéressant en lui-même. C’est ainsi que ce type d’histoire débute en nous montrant un héros déjà sur une mission poursuivant un méchant (qui n’est pas celui de l’histoire).
Une approche similaire est de montrer les agissements du méchant dont la conséquence sera la prise en charge par le héros d’une mission visant à empêcher le méchant de nuire.

Dans Les aventuriers de l’Arche perdue, Indy est en pleine mission pour récupérer une idole en or. Il surmonte plusieurs obstacles avant de réussir pour ensuite se la faire voler par l’un des méchants.
De retour, il reprend son poste de professeur jusqu’à l’arrivée des deux hommes de l’US Army Intelligence qui ne lui assigne pas directement la mission.

Au contraire, de nombreuses informations sur l’Arche nous sont données. Ces informations sont nécessaires pour la compréhension de l’histoire. Mais si, au préalable, le lecteur n’avait pas été repu d’actions par cette séquence d’ouverture, cette masse d’informations aurait vite lassé même le lecteur le plus féru de données historiques et ésotériques !

Dans Ocean’s Eleven, Danny Ocean prévoit de cambrioler trois casinos appartenant à l’impitoyable Terry Benedict. Pour réussir son coup, il recrute 10 malfrats. Pour chacun d’entre eux, l’incident déclencheur est le moment où il reçoive l’invitation.
Mais concernant Danny lui-même, quel est l’incident déclencheur qui a placé Terry Benedict comme son objectif ultime ? Nous ne l’apprendrons en fait qu’à la moitié de l’histoire. C’est en effet au point médian du récit que nous découvrons que l’ex-femme de Danny est tombée sous le charme de Terry Benedict.
C’est cette blessure personnelle, cette trahison qui a incité Danny Ocean à créer le Ocean’s Eleven.

Distribution de l’information

Lorsque la mise en place est primordiale pour la compréhension et de l’histoire et de l’incident déclencheur, ce dernier est alors retardé afin de permettre à l’auteur d’exposer toutes les informations dans l’espace de l’acte Un.
C’est le cas avec Minority Report. Pour que l’incident déclencheur soit compris, il faut au préalable avoir compris comment les précogs et Precrime fonctionnent. C’est ainsi que l’incident déclencheur n’intervient pas avant la page 28 du scénario afin de permettre à l’exposition d’apporter toutes les informations pertinentes à la compréhension de cet incident déclencheur et des événements qui suivront.

Cependant, ne tombez pas dans l’erreur de retarder votre incident déclencheur sans une bonne raison. Si cet incident doit survenir au cours de l’histoire (car il pourrait très bien avoir eu lieu avant le début de l’histoire comme dans Juno), si vous le retardez disons au-delà de la page 15, c’est que probablement vous avez passé trop de temps à construire votre monde et à illustrer la vie de tous les jours de votre héros.
La conséquence de trop vous appesantir sur la description du train-train quotidien de votre personnage principal, même s’il est le plus charismatique des personnages, est que votre lecteur trouvera vite barbant de le voir vivre sa vie de tous les jours sans qu’un événement très perturbateur ne vienne bouleverser ce gentil ordre.

Le lecteur n’est pas très patient. Il a hâte qu’il se produise quelque chose. Et quelque chose qui corresponde à ses attentes c’est-à-dire en rapport avec le genre annoncé de votre histoire.

Minority Report nécessitait beaucoup de travail pour préparer le lecteur à recevoir correctement son histoire mais dès le début, au cours de cette exposition, des éléments de science-fiction et des frissons ont été largement saupoudrés sur le récit.

Plus vous fournissez à votre lecteur des éléments dramatiques qui soient liés au genre et qui lui permettent d’assouvir sa soif d’actions (qu’il s’attend à voir), plus vous pourrez retarder l’incident déclencheur sans générer de réactions négatives et profitez de cet espace qui vous est accordé pour peaufiner l’exposition de votre histoire et de vos personnages.

Un dernier conseil : l’incident déclencheur ne se contente pas de seulement mettre sens dessus-dessous la vie du héros. Dès qu’il se produit, le comportement du héros commence à changer. Même si l’incident déclencheur ne lui permet pas encore de définir exactement ce que sera son ultime objectif dans cette histoire, il n’en reste pas moins que le héros commencera à agir d’une façon tout à fait novatrice par rapport à ce que nous connaissions de lui.
Et cette description est la tâche des événements qui suivent l’incident déclencheur.