Un des premiers conseils de Stephen J. Cannell est qu’il y a des règles qu’il ne faut pas briser. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas les briser. Le problème survient quand un auteur brise les règles sans savoir ce qu’il fait.
Si vous connaissez les règles et que pour des raisons tout à fait justifiées, vous décidez d’en briser une, cela doit être en connaissance de cause. Dans ce cas, n’hésitez pas. Un point que note Stephen J. Cannell est que les auteurs cherchent toujours à être parfait. Cette recherche de la perfection bien vaine ne les mène finalement nulle part sauf à caler ou à procrastiner. Et bien qu’ils aient une envie folle d’écrire, ils n’écrivent pas.
La première règle que donne Cannell est la suivante :
Give Yourself Permission to be bad
En d’autres mots, autorisez-vous à être mauvais. Mal écrire n’est pas rédhibitoire et comme vous êtes bon critique, vous vous corrigerez vous-mêmes. Même les plus grands auteurs ont connu des jours sans, des jours où ils ne se connectaient pas du tout avec leur matière. C’est normal. Cela se produit sans qu’on en soit conscient.
L’écriture devient alors un combat. Cela ne signifie pas que vous ne soyez plus capable d’écrire. Vous avez probablement un problème avec la structure de votre histoire ou les motivations de votre personnage. Quelque chose sonne faux alors que lorsque vous l’avez écrit, il ne semblait pas y avoir de problème.
La réécriture est une partie du processus qui vous permettra de résoudre votre problème. Mais pour le moment, vous êtes bloqué. Vous n’avez qu’une envie, c’est d’aller voir ailleurs si vous y êtes. Surtout, ne le faites pas.
Bien au contraire. Mettez-vous à la place de votre personnage, dans la situation que vous avez vous-même créée. Puis posez-vous ces questions : Si c’était vraiment mon problème, ferais-je ce que je demande à mon personnage de faire ? Dirais-je ce qu’il ou elle dit ?
Si la réponse est non, alors réécrivez la scène ou la séquence ou les dialogues ou les trois à la fois. Mais cette fois, laissez parler vos émotions, votre cœur.
Parfois, c’est la logique de votre histoire qui vacille. Stephen J. Cannell prend l’exemple d’un héros qui se trouve sur une scène de crime mais n’appelle pas la police. S’il le faisait, le voyage de ce héros (ou l’intrigue si vous préférez) serait interrompue nette.
Mais votre lecteur ne peut se satisfaire simplement de cette option. Il devrait appeler la police mais il ne le fait pas. Ce n’est pas logique. Ajoutez seulement les empreintes du héros sur la crosse du revolver qui a servi au meurtre et maintenant, il est parfaitement logique que le héros n’appelle pas la police. Présenté comme cela, ça semble facile mais croyez-nous, cela ne l’est pas.
Ce problème est commun. Et pourquoi l’est-il ? parce que nous posons les nœuds dramatiques de notre récit sans se soucier de ce que pense et ressent le personnage.
Lorsque vous placez votre personnage dans une situation quelconque, essayez de percevoir ses émotions. Ouvrez votre âme à celle de votre personnage. Ressentez en vous ce que c’est que d’être dans la position que vous avez créée pour votre personnage. Lorsque vous réécrirez la scène avec la bonne émotion, votre écriture sera plus fluide parce que vous serez dans la logique de votre personnage.
Lorsque ce que l’on écrit ne nous donne pas satisfaction, il devient plus difficile d’écrire. La peur de l’échec est mauvaise conseillère en nous intimant l’ordre de produire moins d’efforts. Résistez. On apprend de nos erreurs. Continuez à écrire, à réécrire même si vous vous sentez frustrés par votre travail d’écriture. Ne cherchez pas à être parfait, de toutes façons, vous n’y parviendrez pas.
Autre chose sur laquelle Stephen J. Connell insiste et que nous vous conseillons aussi. Organisez votre temps d’écriture avec votre vie familiale et votre activité professionnelle.
L’idéal serait d’y consacrer un minimum de deux heures chaque jour et au même horaire. Organisez votre agenda quotidien sans qu’aucune de ces activités ne soient lésées.
Sachez que si l’envie d’écrire est là, vous devez lui consacrer un espace sinon cette envie restera lettre morte. Sachez aussi que plus vous écrivez, plus vous vous améliorez. C’est une loi naturelle.
Choisir votre histoire
La seconde règle que Stephen J. Cannell prodigue est qu’il faut choisir une histoire avec laquelle vous vous sentez bien. Ne choisissez pas un second choix parce que celui-ci vous semble plus malléable à travailler.
Cette seconde règle porte en elle une obligation. Lorsque vous commencez un projet, finissez-le. N’arrêtez surtout pas en chemin parce que vous avez l’impression que vous n’aboutissez à rien. C’est en finissant vos projets que vous apprendrez à mieux écrire.
Si votre scénario ne fonctionne pas, si les 10 pages que vous venez d’écrire craignent vraiment, alors retravaillez la structure de votre histoire, les arcs dramatiques des personnages, repensez la toile de fond et jetez ces 10 pages et recommencez à les réécrire.
Et même si finalement, votre histoire ne sortira jamais du carton dans laquelle vous l’avez remisée, au moins, elle sera finie et vous aurez appris beaucoup de ce travail. Evidemment, l’idée n’est pas de collectionner des boites de rangement. Alors choisissez judicieusement votre histoire car vous allez passer ensemble un bon moment.
Un autre avantage de bien choisir son histoire et de la terminer est qu’avec le temps, vous deviendrez prolifique.
A chacun sa manière de travailler. Stephen J. Cannell propose quant à lui d’écrire d’abord les grandes lignes de votre histoire (le terme anglo-saxon serait Outline, c’est-à-dire de planifier) avant de commencer à générer dans le détail les scènes, séquences, actes… mais allez jusqu’au bout de cette génération.
Mais cependant, ne la commencez pas si vous vous rendez compte en écrivant les grandes lignes que cette histoire ne vous convient pas.
Quelques conseils utiles pour choisir votre histoire:
1) Définissez votre prémisse et soumettez-la à des personnes dont vous savez que le retour sera intelligent et valable. Si les avis sont favorables, travaillez votre histoire à partir de ce thème et surtout ne le perdez pas de vue. Si vous avez un doute sur votre prémisse, le mieux serait peut-être d’écrire le synopsis et de travailler à en comprendre la prémisse qu’il doit forcément apporter en son sein.
2) Choisissez une histoire qui vous permettra de jouer avec la tension. La tension est l’un des outils dramatiques les plus pertinents pour impliquer votre lecteur dans votre histoire. Vous écrivez pour lui en fin de compte. Tension, émotions sont les moyens de lui prouver que vous vous adressez à lui.
Si l’un de vos personnages est un peu complexe ou bien parce que vous n’en avez pas l’habitude et avez des difficultés à vous mettre dans la tête de ce personnage, à le rendre crédible, à saisir ses pensées, ses peurs et ses terreurs, ses rythmes.. Soyez humble et dans vos recherches, interrogez des personnes réelles qui pourraient vous aider à comprendre votre personnage parce qu’elles-mêmes s’en rapprochent par certains aspects.
Lors de la création de vos personnages (ou du moins de leur élaboration qui est un terme moins polémique), réfléchissez à ce que les personnages de votre histoire vont être, demandez-vous pourquoi vous tenez à ce qu’il soit dans votre histoire et si d’autres personnages auxquels vous n’aviez pas pensé d’emblée seraient nécessaires.
Définissez les grandes lignes du voyage de votre personnage principal, à la fois de l’extérieur mais aussi de l’intérieur (Outer Journey et Inner Journey).
Tous les personnages, y compris votre héros ou votre héroïne, ont des faiblesses ou des peurs. L’une d’entre elles, cependant, doit avoir un impact significatif sur le personnage. Ne vous contentez pas de l’exposer simplement, au contraire, travaillez la toile de fond du personnage afin d’expliquer pourquoi il a cette faiblesse. Même si cette toile de fond n’interfère pas avec le déroulement de l’histoire, les faiblesses de vos personnages doivent avoir une origine qui doit être mentionnée d’une manière ou d’une autre au cours du récit.
La construction de vos personnages (vous en êtes l’artisan potier en quelque sorte) est une étape importante qui vous permettra d’avoir une idée, une ligne directrice lorsque vous élaborerez l’arc dramatique de vos personnages.
Vous remarquerez très vite que les failles de vos personnages sont toujours plus intéressantes à écrire que leurs forces.
Quant au méchant de l’histoire, assurez-vous que vous n’en faites pas un stéréotype. Si vous avez quelques difficultés à le cerner, dites-vous que tous les méchants ne sont pas aussi typés que dans les comics books. Un méchant possède ses propres motivations, son propre arc dramatique auxquels vous devez prêter autant d’attention que lors de la conception de votre personnage principal.
Par ailleurs, un antagoniste bien cerné vous permettra de définir plus précisément votre héros. Une astuce ? lorsque vous serez dans le travail de création de votre méchant, considérez-le comme s’il était votre héros. Gardez à l’esprit que de son point de vue ses actions sont justes.
LA STRUCTURE
Stephen J. Cannell insiste sur la structure en trois actes (il y a d’autres possibilités). Chaque acte a son propre mouvement.
L’acte UN
Au cours de l’acte UN, le protagoniste rencontre tous les personnages de l’histoire. Nous découvrons aussi quel est le problème principal que soulève le récit. L’acte Un est relativement facile à écrire car il nous suffit de connaître le problème (la question dramatique) pour avoir une idée de comment l’écrire. L’astuce, en fait, se situe dans le fait de rendre cet Acte Un intéressant pour le lecteur.
Commencez (FADE IN) par un moment où il y a du conflit et une certaine excitation faite de passions. Puis ensuite au cours de cet acte Un, aidez le lecteur à comprendre ce moment. Cet acte sert à préparer votre lecteur à recevoir votre histoire. Il se demande qui est le héros. C’est au cours de l’Acte Un que l’empathie envers votre personnage principal s’installe.
C’est là aussi que le lecteur identifie le méchant de l’histoire.
L’antagonisme, d’ailleurs, pourrait être une entité beaucoup plus abstraite. Darth Vador, par exemple, n’est pas l’incarnation du mal. Il est une sorte d’accident, de représentant du mal. Palpatine serait davantage le méchant mais lui aussi n’est que le porte-parole du véritable antagoniste des rebelles qui n’est autre que l’Empire.
C’est au cours de l’Acte Un que se crée les relations entre les personnages. Introduire les personnages dans l’histoire ne suffit pas si vous n’établissez pas dès le début les relations exactes qu’ils entretiennent avec les autres personnages. La qualité des relations que vous décrivez peut décider ou non votre lecteur à accrocher à votre histoire. Rendre sympathique votre héros est une nécessité selon Cannel (on peut aussi le considérer comme un instrument menant à la compassion, à l’empathie et alors le lecteur se préoccupe vraiment des tribulations du héros) mais cette sympathie se niche aussi dans ses rapports aux autres.
Le problème de votre héros doit être clair. Même si son objectif n’est effectivement défini qu’au point médian du récit (c’est une notion abstraite qui correspond à peu près, en un nombre de pages variable, au milieu du récit), le problème de votre personnage principal doit être important. Vous devez définir des enjeux puissants pour lui (comme par exemple de sauver un être cher ou de sauver sa peau).
Plus les enjeux seront importants et plus votre héros sera attachant. Ne craignez, d’ailleurs, pas d’en faire trop. Les enjeux ajoutent aussi de la tension chez votre lecteur.
Stephen J. Cannell préconise d’accrocher immédiatement votre lecteur. Pour appuyer son propos, il donne cet exemple :
FADE IN:
Trois hommes pourchassent une femme dans une allée déserte ; Elle porte dans ses bras un enfant qui pleure.
Immédiatement le lecteur se demande ce qu’il se passe. Qui est-elle ? Est-ce son enfant ? Les questions sont posées. Développez votre histoire et rendez-la intéressante.
L’acte Deux
L’acte deux est certainement le plus difficile à écrire. Lisez notre article sur Les 5 moments majeurs selon Michael Hauge pour plus d’informations sur la structure que doit posséder votre histoire.
Un point important que souligne Stephen J. Cannell concernant l’Acte Deux porte sur les complications. Le problème décrit dans l’Acte Un devient plus ardu, plus difficile à surmonter. Cannell propose d’utiliser un passage de la backstory (la toile de fond de votre personnage ou de l’histoire, c’est-à-dire les événements marquants du passé de votre personnage et ses interrelations avec le monde de l’histoire contre lequel il sera plus souvent qu’à son tour en lutte) qui est resté dans l’ombre jusqu’à présent pour concevoir vos complications.
L’enfant que porte la femme pourchassée par des hommes en noir n’est effectivement pas le sien. En fait, il s’avère que les anges ont décidé d’en faire le Nouveau Messie. Maintenant, toutes les forces diaboliques de la terre essaient de tuer l’enfant Christ. L’enjeu est poussé encore plus haut.
Face à ces complications, le héros doit alors commencer à essayer de résoudre ces obstacles ou épreuves de plus en plus difficiles qui se succèdent sur son chemin alors que ses adversaires redoublent d’efforts pour lui nuire. En effet, le méchant et ses sbires ne doivent pas rester les bras croisés à attendre que quelqu’un mette un frein à leurs agissements.
Quelle que soient leurs motivations à agir de la sorte, leur objectif est d’empêcher le héros de réaliser son propre objectif. Et ils s’y emploient opiniâtrement.
La fin de l’Acte Deux est un nœud dramatique crucial de votre histoire. En effet, c’est à ce moment que le héros est au plus bas. Nous assistons à la destruction des plans du héros que celui-ci avait élaborés afin de parvenir à son objectif. A ce point de l’histoire, tout semble être perdu pour le héros. Pour lui, c’est le moment du All is Lost.
Cet effondrement peut être aussi bien moral que physique et souvent les deux à la fois. Du point de vue du héros, il n’a plus aucune chance de réussir.
L’acte Trois
Ou la résolution des problèmes. Des décombres encore fumantes qui l’entoure, le héros trouve en lui une force inconnue qu’il a acquise au cours des épreuves et qui l’emmène à la conclusion de l’histoire.
Certaines histoires ont une fin sombre. Mais le héros a appris quelque chose même si cette fin consiste en sa mort ou en un échec.
L’acte Deux est non seulement difficile à écrire mais aussi une des raisons qui repousse l’ennui chez votre lecteur, d’où son importance. Cet acte complexifie le problème initial du héros puis finit par le vaincre.
S’il est si difficile à écrire, c’est bien souvent parce que l’auteur est toujours dans la tête de son héros. Mais l’Acte Deux est conflit. Le héros doit surmonter les obstacles qu’un méchant met sur son chemin.
Pourquoi ne pas vous déplacer dans la tête du méchant ? nous demande Stephen J. Cannel.
L’Acte Deux est son acte, son moment de gloire. Si vous abordez l’Acte Deux du point de vue seul de votre personnage principal, vous n’obtiendrez que du matériel bien terne à écrire.
En faisant de votre méchant le héros de l’Acte Deux, la conception de ce dernier qui représente tout de même la moitié de votre scénario sera beaucoup plus juste. Le point de vue du méchant permet de rehausser le thème de votre histoire et l’importance des enjeux pour votre personnage principal.
Une règle importante à retenir à propos des scènes qui composent vos actes. Chaque scène doit faire progresser votre histoire. Si vous la supprimez et que cela ne crée pas de trou dans l’intrigue, alors supprimez-là pour de bon. Aristote a été l’un des premiers à promulguer cette règle.
Une tâche aussi que la scène devrait accomplir : faire progresser les relations des personnages qui en font partie.
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